Martine Courbon
« Je n’ai aucun espoir de réouverture en février »

Présidente de l’UMIH63 (Union des Métiers et de l’Industrie de l’Hôtellerie), Martine Courbon (aussi secrétaire générale de l’UMIH AURA), s’inquiète pour le moral de ses 600 adhérents usés par une crise sanitaire dont nul ne sait quand elle prendra fin. Elle nous a accordé un long entretien le 9 janvier. « Laissez-nous travailler, au moins à midi ! »

Comment avez-vous reçu l’intervention du premier ministre le 7 janvier ?
Martine Courbon : Nous n’avons rien appris de nouveau et ce n’est pas une surprise… Nous avions annoncé tout cela à nos adhérents avant Noël. Aujourd’hui, on nous parle d’une échéance en février mais — grâce aux négociations menées avec le gouvernement par les instances professionnelles dont l’UMIH fait partie —  nous savons que la prochaine date prévue par le gouvernement pour la réouverture éventuelle des restaurants est déjà est fixée. Ce ne sera pas avant le 1er mars. En février, il y a des vacances scolaires et la saint-Valentin. Il ne sera pas question de d’ouvrir les restaurants et encore moins les bars dans cette période-là. Février, c’est déjà réglé. Qu’on arrête de nous raconter des histoires et qu’on nous dise « on ouvrira quand on pourra ».

« Le Stop & go nous fait plus de mal qu’autre chose. »

Quelles sont vos revendications aujourd’hui ?
M.C. : Toujours les mêmes mais pour commencer, nous demandons un changement de méthode du gouvernement. Ce Stop & go nous fait plus de mal qu’autre chose. Ce yoyo permanent est épuisant, nous demandons à avoir des perspectives. Parmi nos demandes récurrentes : l’obtention de subventions, le prolongement de l’activité partielle jusqu’à la fin de la pandémie et même au-delà ; le maintien du fonds de solidarité au minimum jusqu’au 31 mars ; le prolongement des exonérations des charges patronales… La question du désendettement des entreprises va constituer un sacré sujet auquel il va falloir réfléchir sérieusement. Car les PGE ne sont pas des subventions. Il va bien falloir les rembourser un jour.

Quelle est la position de l’UMIH 63 quant aux loyers ?
M.C. : Nos adhérents n’ont plus de trésorerie mais ce n’est pas aux bailleurs de payer la note. Il faut savoir que le PGE a été contracté à 58% par les restaurateurs et à 61% par les hôteliers. Sur les 9,750 milliards empruntés, 9 milliards ont déjà été utilisés pour payer les loyers… Nous demandons une aide concrète : que l’Etat prenne à sa charge un loyer sur deux. Le problème existe aussi pour la redevance télé : les hôtels n’ont pas de clients mais ils doivent payer la redevance. Rendez-vous compte : en moyenne en France, un hôtel est rentable avec 60% de taux d’occupation. Aujourd’hui, nous sommes à 15%…

« Que l’Etat prenne en charge un loyer sur deux. »

Quelles négociations avec les assureurs ?
M.C. : Nous voulons qu’’ils prennent en charge la perte d’exploitation comme c’est prévu dans les contrats. Des procès sont en cours et plus de 4000 adhérents ont répondu au national pour déposer des dossiers.

Avec ce manque de visibilité, certains restaurateurs laissent entendre que la rébellion couve ?
M.C. : En tant que responsable de l’UMIH63 et avec tout le travail de concertation accompli, je ne peux évidemment pas aller dans ce sens. Mais… Les professionnels sont usés. Ils voient leurs entreprises s’écrouler… Leur projet professionnel et familial s’effondrer… Je comprends leur ras-le-bol car aucun autre secteur n’est autant touché que le nôtre compte tenu du nombre d’acteurs concernés avec tous les métiers connexes.

On en parle peu mais la qualité de la formation n’est-elle-pas aussi menacée ?
M.C. : Nous avions déjà noté un recul de la motivation pour les métiers de la salle et de la sommellerie. Avec cette crise, si l’enseignement est bien assuré, les formations et les stages ne peuvent pas avoir lieu. La profession va donc connaître encore plus de difficultés à recruter des personnels qualifiés après la reprise. Et pour les jeunes, cette situation sans perspective est vraiment problématique.

Depuis le premier confinement, beaucoup de professionnels se sont lancés dans la vente à emporter. Avez-vous un retour sur cette nouvelle façon de travailler ?
M.C. : C’est pour la plupart un moyen de maintenir un lien avec leurs clients. Le rapport est souvent nul mais le bénéfice est ailleurs : ils préfèrent être dans leur cuisines que sur leur canapé. Mais nous sommes très inquiets pour 2021 : de nombreux dépôts de bilan sont attendus à partir du mois de mars et la machine va être lourde à relancer.

Un message en ce début 2021 ?
M.C. : Nous sommes aux côtés de nos adhérents. Nous voulons insister auprès du gouvernement : laissez-nous travailler ! Au moins à midi pour proposer une offre de restauration à celles et ceux qui travaillent. Pas question de baisser les bras, gardons le moral !

Propos recueillis par Jérôme Kornprobst