Rythm & suite

Griller, rôtir, poêler, mijoter, surveiller, dresser, servir, maîtriser, courir, sourire… Voilà ce qui rythme la vie d’une brigade. Direction les cuisines de La Suite, au 16 rue Saint-Adjutor, établissement créé par Jean-Claude Leclerc en 2011. À midi, ledit bistrot battait son plein !

 

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11 heures tapantes – Le Petit Gourmet attend le Boss dans la salle du gastro JCL (au n° 12). Des cuisines, perce la voix rocailleuse de Mick Jagger entonnant I Can Get No Satisfaction ! Jean-Claude Leclerc surgit : « Je finis un morceau de foie gras et j’arrive », dit-il en repartant au pas de course, car l’homme en blanc est toujours à la course. Sur sa Playlist, les morceaux de rock s’enchaînent, juste avant le service qui se jouera, lui, sur un fond de musique classique. « C’est stimulant et ça procure du bien-être tout en donnant le rythme. » Si les deux établissements sont indépendants, JCL supervise cartes et menus. « Au bistrot, la formule est plus décontractée. Je n’y suis jamais mais j’y mets ma patte. On travaille en binôme, sur fiche recette.Le côté carré est plus simple à gérer. »

Are you ready ?1

11 h 45 – À la Suite, chacun est à son poste. Thierry, responsable de salle, Lisa au service (sans Estelle aujourd’hui), Domingo, chef des cuisines et Vincent son second, tous deux au point chaud, « le poste où il faut être le plus précis », Antoine aux entrées et desserts et Florian prêt à répondre au pied levé. Pour l’heure, 18 résa sont prises (sur 45 places disponibles en salle + 20 en terrasse) et tout le reste “en passage”. « Le stress, c’est quand il y a beaucoup de tickets en même temps », dit Domingo avec la bonhomie d’un homme du grand Sud et l’accent chantant du Portugal. Pour faire face, il faut essayer de se parler et ne pas se gêner. Signes, regards, mots… Tout fait ventre. Et pour ce qui nous concerne, éviter de rester derrière la porte battante !
Au déjeuner, le gros du service s’effectue entre 12 et 14 heures. Le menu du jour dit « rapide » est souvent le plus choisi. Ici, comme au JCL, ce qui prime, c’est la satisfaction du client sur qui l’on veille comme du lait sur le feu. « Ce que j’essaie de défendre, c’est de vendre un moment de plaisir. Peu importe le temps ou le budget que l’on a », souligne JCL. Un combat gagné au gastro comme au bistrot. « Pour faire avancer les choses, le plus dur c’est de trouver les “hommes”. C’est un travail exigeant et rigoureux, un peu une forme de torture [rire]. Je suis toujours en relation avec mes anciens. Quand ils nous quittent, en général, ils trouvent de beaux postes. Même si on leur a mis la pression, on ne les a pas dégoûtés. »

Let’s get it on !2

Ce faisant, en cuisine, la pression monte avec la température. La mise en place des entrées (comme le sera celle des plats) se danse à quatre mains. Suspendue à une lampe chauffante, une petite cloche sonne le glas chaque fois qu’une assiette est prête. Thierry et Lisa, qui aiment ça, se feront bientôt sonner à tout-va car les « passages » déboulent et la salle se remplit. « Chaud ! » disent-ils en repartant avec leurs œufs pochés au vin. « La 12 ! » Et hop, d’un geste alerte, Domingo fait glisser de droite à gauche son ticket d’une pince à l’autre au côté de la 16, la 3 et la 6. Tandis qu’Antoine tartine des rillons de canard sur des tranches de pain grillé aux raisins pour l’apéro, on annonce : « Deux plats en direct ! » Derrière la vitre de son aquarium, Domingo, au four et au moulin, jette un coup d’œil rapide au-dehors des cuisines. « Si le chef de salle est tranquille ça va, s’il commence à speeder, c’est pas bon ! » « Allo ! Deux passages », dit Lisa en poussant la porte battante. Et voilà que Thierry passe à la vitesse supérieure, il entre et saisit le couteau-scie pour remplir une corbeille de pain. Au dressage, on veille à mettre le bon nombre d’ingrédients qui varie selon que l’assiette est à la carte ou au menu.

And go crazy !3

12 h 30 – On sort les premiers desserts. Tatins, îles flottantes, baba au rhum côtoient les assiettes de salade des derniers arrivés. Tandis que des bols virevoltent, après un apéritif à rallonge, une table entre enfin dans la danse. « Amigos, envoyez la 3 ! » « À la 2, on y va pour trois menus ? » « Ouais ! » Domingo arrose les ravioles d’une mousse de crème, Lisa file un coup de pied alerte dans la porte. « Ça va Thierry ? » « Nickel ! J’adore. » « Amigos ! On peut faire quoi en viande ? » « Pintade ! » Tandis qu’on envoie Florian chercher un chou vert à la cave, un pote de brigade le charrie : « C’est bien la première fois que je le vois courir. Faudrait que vous veniez plus souvent ! » À chaque battement de porte, on perçoit le murmure de la salle. Suivant un sens de circulation bien établi, Thierry et Lisa passent par ici et repassent par là !

À 13 heures – Le service bat son plein. Nous passons à table où après la montée en pression nous prenons tout le temps d’apprécier la redescente. Comme le dit JCL : « Il faut entrer un jour dans une cuisine pour comprendre quel spectacle s’y joue, dans les instants de beau, de folie, de bruyants silences. »

→ Corinne Pradier
www.restolasuite.com

1 Êtes-vous prêts ?
2 C’est parti !
3 Soyez fous !